Fournissons-nous aux chercheur.e.s ce dont ils ont besoin pour avancer dans la transition vers la science ouverte ?

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Research Publishing
By: undefined, Tue Feb 7 2023

publié le 2 février 2023  sur le site de Scholarly Kitchen, republié avec permission

Note de l'éditeur : ce post a été rédigé par Erika Pastrana et Simon Adar. Erika est directrice éditoriale du portefeuille Nature et responsable de la science ouverte chez Springer Nature. Simon est PDG et co-fondateur de Code Ocean.


Les deux dernières années, au plus fort de la pandémie COVID-19, ont illustré de manière tangible comment la science ouverte peut rapidement bénéficier à la société. Les pratiques de la science ouverte impliquent la mise en commun de tous les éléments produits dans le cadre d’un projet de recherche (code, données, protocoles, prépublications, etc.). Malgré les preuves incontestables de l'impact positif de la science ouverte sur la société, notamment en ce qui concerne le partage des données de recherche, il subsiste des entraves et des hésitations dans le développement et l'adoption de pratiques de recherche ouverte. Les éditeurs, en collaboration avec les plateformes technologiques, peuvent contribuer à cet effort en prenant les mesures appropriées, accompagnées d'un soutien technologique.

L'année dernière, le Research on Research Institute (RoRI) a publié un rapport sur le fonctionnement du système de communication académique pendant la pandémie, en mettant l'accent sur les pratiques en matière de partage et de recherche ouverte. Le rapport a montré que seulement 5 % de toutes les études COVID-19 évaluées par des pairs étaient précédées d’une prépublication.  Parallèlement à cela, le rapport 2021 du « State of Open Data » a révélé que seulement 40 % de chercheur.e.s qui ont participé à l'enquête adoptaient des pratiques de recherche ouverte. Les études menées cette année ont toutefois montré une évolution légèrement plus positive, puisque 4 scientifiques sur 5 sont désormais favorables à la mise à disposition des données en libre accès. Une enquête récente auprès des auteur.e.s et des rédactrices et rédacteurs de Springer Nature a montré que, bien que 79 % des personnes interrogées estiment que le libre accès aux résultats de la recherche devrait être une pratique courante, et que près de 75 % indiquent que les documents, le code ou les données en libre accès étaient importants pour leur domaine, moins de 60 % (si l'on exclut le Gold OA en tant qu'exemple de modèle de publication) de ces personnes adoptaient effectivement des pratiques de recherche ouverte.

Pourquoi - malgré des exemples concrets de l'impact des pratiques de recherche ouverte et la volonté des chercheur.e.s et la communauté scientifique de faire des pratiques de recherche ouverte la norme - y a-t-il une telle disparité entre la prise de conscience, le comportement et l'action ? Comment pouvons-nous combler ce fossé afin que les comportements s'alignent sur nos attentes en matière de science ouverte?

Les raisons de cet écart évoquées par les participants aux enquêtes sont diverses, mais concernent notamment des préoccupations concernant l'utilisation abusive des données, le manque de reconnaissance pour le partage des données et le besoin de soutien pour rendre les données et la recherche durablement ouvertes. Le rôle joué par les institutions, notamment les organismes de financement de la recherche, ne semble pas déterminant pour inciter les auteur.e.s à pratiquer la recherche ouverte (bien que cela puisse changer avec de nouvelles exigences en matière de partage des données par de très grands organismes de financement tels que les agences fédérales aux États-Unis). En comparaison, le soutien institutionnel a connu un succès assez important. Le cas échéant, le fait d'exiger des revues qu'elles partagent du matériel, du code ou des données, ou d'encourager les revues à faciliter le dépôt de prépublications, a eu autant de succès, voire plus, que l'encouragement institutionnel.

L’une des conclusions qui s'impose est que les éditeurs et leurs partenaires devraient davantage soutenir et faciliter la mise en place de pratiques de recherche ouverte. Encourager ou rendre obligatoire le partage des ressources tout le long du processus de publication est un moyen efficace de veiller à ce que les pratiques soient respectées. Les revues ont réussi par le passé à imposer des obligations de partage de données autour de la publication de séquences de protéines et d'acides nucléiques, par exemple. Nous savons donc que les bonnes politiques et initiatives peuvent entraîner des évolutions positives.

Cependant, cela ne suffit pas - ce que les chercheur.e.s demandent, ce sont des solutions concrètes pour soutenir l'intégration des pratiques de science ouverte dans leur cycle de recherche - des solutions et une assistance proposées en cas de besoin. Les éditeurs devraient réfléchir de manière plus créative à la manière d'aller au-delà de l'exigence ou de l'encouragement et commencer à penser à la facilitation.

L'adoption de toutes ces pratiques peut s’avérer complexe : un scientifique sur cinq déclare ne pas juger nécessaire de partager ses prépublications, pré-enregistrements, données et codes. Ceux qui disent vouloir le faire (49%) ne savent pas comment, où et à quel moment.

Avec des processus et des plates-formes dédiés à chacun de ces éléments séparément, des règles spécifiques pour parvenir à un enregistrement et à des métadonnées appropriés pour chaque objet, et au final un produit qui ne relie pas immédiatement tous ces éléments en une « unité de réseau de recherche » facile à trouver, accessible, interopérable et réutilisable, les efforts pour parvenir à une science totalement ouverte peuvent sembler difficiles à réaliser pour les scientifiques. A cela s'ajoute le fait qu’ils doivent se pencher sur la question de savoir ce qu'ils peuvent partager et où, ainsi que sur les droits de licence, ce qui alourdit davantage leur travail.

Les pratiques de science ouverte semblent être appliquées par les chercheur.e.s de manière plus cohérente là où des offres intégrées sont disponibles pendant le processus de soumission d’articles.

C’est ce que nous avons constaté avec nos solutions intégrées de prépublication, de partage de données et de codes proposées aux auteur.e.s qui soumettent leurs travaux à des revues offrant des partenariats avec des plateformes telles que Figshare et Code Ocean.

Sur l'exemple du code, Springer Nature a testé en 2018 en collaboration avec Code Ocean, l'utilisation de conteneurs pour faciliter le partage de code et de données lors de la soumission, lors de l'examen par les pairs et au moment de la publication (pour les articles dont le nouveau code était un élément central du travail). C'étaient les débuts du partage des éléments de recherche et, depuis, Code Ocean a étendu sa collaboration avec des éditeurs tels qu'Elsevier, l'IEEE et plus de 100 autres éditeurs et sociétés, dont certains cherchent désormais activement à intégrer l'examen des capsules de calcul dans leur flux de travail. À cette époque, nous avons estimé qu'il était important de proposer les solutions technologiques adéquates pour soutenir et aider à établir les politiques de partage de code que nous voulons adopter en tant qu'éditeurs.

En collaboration avec l'équipe de Code Ocean, nous avons développé des flux de travail et des processus permettant aux auteur.e.s de déployer la plateforme Code Ocean pour partager leur code lors de la soumission, et aux examinateurs d’utiliser cette plateforme pour évaluer et vérifier le code. Le taux d'acceptation lors de la phase initiale de cette expérience a été très prometteur, puisque 40 à 60 % des auteur.e.s invité.e.s à utiliser le service ont accepté de le faire. Ces résultats nous ont encouragés à intégrer pleinement notre système de soumission à la plateforme Code Ocean, ce qui, à son tour, nous a permis d'améliorer l'efficacité et le suivi du processus, de mieux connaître l’engagement des auteur.e.s et des évaluateurs et d'offrir une expérience utilisateur plus transparente pour le partage du code et des données ainsi que pour l'examen par les pairs. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives mais 40 % environ de ceux qui soumettent un nouveau code font appel au service proposé via Code Ocean dans notre système de soumission.

Nous disposons désormais de nombreuses ressources pour faire progresser les méthodes et les pratiques de de science ouverte. Mais nos efforts communs doivent être suivis de mesures concrètes afin que les chercheur.e.s puissent atteindre l'objectif que nous nous sommes tous fixé. En tant que partenaires, éditeurs et prestataires, nous devons maintenant aller au-delà des actions menées jusqu'à présent et concentrer nos efforts sur une offre de soutien et de capacités techniques intégrées, afin de pouvoir proposer une solution prête à l'emploi.